Quelques générations de fans de Harley ont grandi dans le culte de la Beauté mécanique sur deux roues. Elles ont tout appris sur les modèles mythiques et la customisation.
Et pourtant, si leur moto culte est encore produite de nos jours, c’est parce qu’à une époque où elle était en péril, la Marque a ajouté une troisième roue à ses modèles.
On ne parle pas ici des très populaires side-cars, mais des motos de service, les Servi-Cars créés par H-D (aujourd’hui communément appelées Trike). Mais Harley ne serait pas Harley si ses modèles, même utilitaires, n’étaient pas agréables à l’œil, voire désirables. La Marque a donc eu à cœur de garder une belle esthétique, une ligne basse et élancée, tout en concevant un véhicule pratique pour contribuer à relancer une économie fragilisée. Et la réussite fut au rendez-vous.
A preuve, les services de police US sont toujours restés fidèles à H-D, en dépit d’une tentation, dans les années 80, de rouler « hors sol » sur des motos au look étrange venu d’ailleurs. Mais cette période Power Rangers dura fort peu de temps, tant l’image de la police américaine est liée à celle de H-D.
Le Servi-Car, moto à tout faire, a sauvé H-D du désastre
Lors de la Grand Dépression, après le séisme boursier de 29, H-D, au bord du dépôt de bilan, et toujours en concurrence avec Indian, lança le Servi-Car. Comme son nom l’indique, ce modèle était destiné à l’industrie automobile, qui cherchait des véhicules pratiques et légers, aux moteurs assez puissants pour pouvoir tracter les voitures à livrer à ses clients. Il s’avéra très utile aussi pour les dépannages, pour les petites entreprises et pour les livraisons rapides.
Ce modèle à tout faire et bon marché à trois roues, dont les deux roues arrière sont intégrée dans un coffre d’acier à grand contenant qui offre aussi une surface idéale pour la publicité, fut équipé d’un moteur Flathead de 750 cm3 qui connut un tel succès qu’il continua à équiper le Servi-Car jusqu’à l’arrêt de sa production en 1974.
Le véhicule idéal du New Deal
Digne rejeton du Motorcycle Truck de 1912, sur lequel le coffre était placé à l’avant, le Servi-Car H-D, reflet du souci de perfection de ses concepteurs, avait l’avantage d’être bon marché, plus fiable que la voiture, et passe-partout à l’époque où toutes les routes n’étaient pas bitumées. Il se conduisait comme une voiture, ce qui permettait une grande facilité de conduite et une accessibilité à tous. Pour satisfaire ses clients, la Firme alla même jusqu’à personnaliser les servi-cars en créant des lettrages pour que ses clients puissent coller ou peindre leurs slogans ou adresses sur les panneaux du coffre d’acier.
Les administrations publiques l’adoptèrent, les petits commerçants aussi. L’image du marchand de glaces se déplaçant sur sa Harley a marqué les esprits. Ainsi, grâce à son esprit conquérant et à l’efficacité de son service de publicité, H-D participa activement à l’élan national du New Deal promu par Theodore Roosevelt.
Du side-car au Servi-Car, des tricycles conçus pour la police US
C’est justement dans ces années-là que la police US adopta, en plus du fameux side-car qui lui rendit de grands services, le Servi-Car pour ses patrouilles urbaines.
Ce tri-cycle permettait à l’agent assis sur la banquette arrière d’avoir les mains libres, de marquer les véhicules mal stationnés et d’intervenir encore plus rapidement. Il a aussi permis à la Firme, durement impactée par le séisme boursier de 29, de ne pas couler. En 1933, H-D mena des actions commerciales tous azimuts, y compris en soutenant les campagnes de sécurité routière, pour lancer son « Police Motorcycle ».
Ainsi, le Servi-Car à trois roues intégrées, très appréciée par les forces de l’ordre, débuta une carrière longue de 41 ans.
Le Servi-Car de l’après-guerre évolua en s’adaptant aux loisirs
La grande concurrente du Servi-Car fut la Jeep, qui arriva avec la Seconde Guerre Mondiale, et offrait le triple avantage d’être peu chère, maniable sur tous les terrains avec ses quatre roues motrices, et surtout couverte ! Elle détrôna le tri-cycle, qui resta cependant très apprécié et très utilisé par les forces de police – et ce jusque dans les années 90.
Ce modèle qui connut un record de longévité a donné naissance à la Tri Glide Ultra Classic, une belle fille de pub qui a gardé son coffre si pratique, mais cette fois pour un usage plus touristique, ciblant les fans de Harley plus âgés qui ont besoin d’un confort total de conduite, et les couples de bikers voyageurs.
Mais le meilleur allié de la Compagnie de Milwaukee, pourtant marquée par l’image de hors-la-loi des Onepercenters, fut et reste toujours la police.
Quand les fans de Harley jouent aux gendarmes et aux voleurs
Qu’ont en commun le biker dur de dur qui taille la route sans casque sur son chopper après avoir fait le coup de poing dans un bar et le flic qui, sirène hurlante, le prend en chasse sur son Police Road King ? La moto ! Tous deux roulent en Harley.
Le hors-la-loi et le justicier sont comme les deux faces d’une même pièce. Vision manichéenne certes, mais tellement américaine… Dans la jeune mythologie US, le Bien et le Mal foncent sur le même engin, à quelques variantes près. Et notre imaginaire de fans est imprégné de ce cliché. S’il pilotait une autre moto qu’une H-D, un flic motard américain ne serait juste pas crédible. Sans son Electra Glide, il serait un peu comme un cowboy sur un chameau !
Sans leurs Harleys, que seraient les motards de la Police US ?
Si les choses ont changé dans les années 70 avec l’arrivée des Japonaises sur le marché américain, l’image s’est incrustée dans les esprits : la moto du policeman, c’est la Harley.
Même s’il a un temps frayé – vade retro Satanas !- avec les japonaises et leurs cousines germaines, le cop biker est vite revenu à ses fondamentaux : la puissance et l’élégance, bien sûr, mais surtout l’inconscient collectif qui fait que le MotoCop en uniforme en impose davantage quand il surgit sur SA moto : l’impressionnant Police Road King au moteur gonflé de 1690 CC, qui surclasse les 1540 CC de la Road King de série. Normal : pour rattraper les Onepercenters, mieux vaut foncer plus vite qu’eux ! « Il n’y a que H-D qui m’aille ! » pourrait être le slogan du MotoCop.
Quand flics et voyous partagent une même passion : la Harley
L’histoire d’amour entre la police américaine et la H-D, avec sa fameuse sirène, date presque de la naissance de la Firme. La première livraison d’un modèle adapté aux besoins des forces de l’Ordre s’est faite en 1908, à Detroit.
Pour garder un avantage tactique, il fallait un engin maniable, rapide et fiable, trois garanties qu’offraient les modèles de la Firme sans rivale. Ce fut le début de cette collaboration avec la police d’Etat, dont les commandes massives n’ont pas peu contribué à la pérennité de H-D, notamment lors de la Grande Dépression des années 30.
Il faut comprendre que dans les années 20, la route était une jungle où régnait la loi du plus fort. Aucune règle ou presque ne venait mettre un peu d’ordre dans cette anarchie, et les drames causés par la vitesse et l’inconscience s’accumulaient. Préoccupée par cette situation, H-D déclara via la presse vouloir aider les forces de l’ordre à arrêter ce massacre. Sitôt dit, sitôt fait ! Ses motos, rapides, maniables et fiables, ont vite damé le pion aux fous du volant. Fin des années 20, plus de 3000 commissariats et agences territoriales disposaient d’une flottille de Harley.
La moto du rebelle des 50’s est aussi celle du maintien de l’ordre
Dans les années 50, la police a dû s’adapter à cette nouvelle forme de délinquance que représentait ces hordes de bikers sauvages qui ne respectaient que leurs propres lois. Et pour cela elle utilisa les mêmes motos qu’eux, juste un peu plus puissantes et stables, avec des motards spécialement formés à la dure, qui sont bien souvent eux-mêmes des bikers et membres de H.O.G.. Elle n’abandonna pas pour autant le Police Servi-Car si utile, remis au goût du jour avec le tri glide.
Un signe qui ne trompe pas : depuis 10 ans, les ventes des modèles de la Police Road King ont grimpé en flèche. Aujourd’hui, on est revenu au niveau d’équipement des années 20 aux U.S.A., puisque plus de 3800 services de police utilisent des motos H-D. Et celles-ci sont aussi utilisées à l’étranger dans pas moins de 45 pays ! Preuve de cette idylle : suite à l’attentat du 11 septembre 2001, H-D fit don aux services de police de New York de 37 motos.
Aujourd’hui, l’image positive que la Harley offre à la police US, et la forte valeur ajoutée à la revente, contribuent à la pérennisation de ses modèles Police… Servi-Cars compris !