La H-D et le skull : tempête mécanique sous un crâne

Skull Harley custom Salendron

« Être ou ne pas être Biker », se demande, tel Hamlet, l’apprenti-motard en fixant le crâne chromé estampillé H-D qu’il tient dans sa main.

Le hardbiker rebelle, lui, ne se pose pas la question : le skull fait partie intégrante de son univers Harley. Pour lui, c’est l’emblème de la mythique Marque de Milwaukee, même si ce n’est pas le logo officiel. Non content de l’avoir peint sur son tear drop tank et de le porter en patch sur son blouson aux manches coupées, il l’a très souvent même tatoué sur la peau, comme un message indélébile adressé au monde : «  Je suis Harley à la vie à la mort !».

L’impact profond de la 2e Guerre mondiale sur l’imaginaire Harley

Apparu tout de suite après la 2e Guerre mondiale, qui a laissé une empreinte profonde dans les esprits et les corps, le Harley skull a été imposé et popularisé par les gangs de bikers où se retrouvaient des anciens combattants marginalisés et familiarisés à l’idée de la mort.

Mais ce conflit qui s’est déroulé en Europe n’explique pas tout. D’où vient cet engouement des motards pour une imagerie macabre, alors que la Harley, dont l’iconographie était avant cette guerre centrée sur les belles pinup, était une invitation à jouir pleinement et à toute vitesse de la vie ?

Un talisman pour des bikers casse-cou

Le crâne et les os croisés que, lors du conflit européen, certains aviateurs peignaient sur le cockpit de leurs avions, avait pour fonction de briser des malédictions ( du vendredi 13, par exemple ). Cet esprit superstitieux, on le retrouve après la guerre chez les bikers, pour beaucoup d’anciens aviateurs, marginaux réunis dans des gangs qui transforment des Harley réformées en bobbers pour vivre sans freins, dans l’ivresse du danger, car ils n’ont que mépris pour une vie civile trop tranquille. Ils se parent de ce talisman pour se protéger de la mort et exorciser leur peur, en décorent fièrement leur Harley.

Le skull old school, emblème des pirates des temps modernes

H-D skull old school David Vicente

Ainsi, l’emblème des Hell’s Angel est un crâne casqué et ailé, celui des Outlaws un skull and crossbones. Moins sulfureux, le Hugly, l’un des clubs les plus fermés de propriétaires de V-Twin, a fait du crâne son emblème. Ces bandes très organisées se sont approprié cette marque non déposée de la piraterie, ce fameux pavillon noir destiné à effrayer l’ennemi et à montrer qu’on n’a peur de rien. Le crâne des pirates est le symbole d’une vie libre, sans contraintes, en marge de la société, avec ses règles propres.

Et ces insignes des Moto Clubs 1% se retrouvent souvent comme éléments décoratifs, stylisés, sur les réservoirs des Harley, pas seulement celles des membres du club. Mais se le faire tatouer sur la peau, comme une marque indélébile, c’est le must ! Cela équivaut à sceller un pacte avec la Faucheuse.

La tête de mort, emblème effrayant des onepercenters

Arborer la tête de mort en signe de ralliement et d’appartenance à un gang est donc d’abord l’apanage des hors-la-loi de la route, les fameux onepercenters. Ces bad bikers qui semèrent à une époque la terreur sur les routes se revendiquaient en effet des 1 % désignés comme hors-la-loi par l’institution.

Ce sont eux qui, sans doute aussi inspirés par les calaveras mexicains, ont contribué au succès de cette iconographie macabre, reprise par des bikers plus sages mais aussi musclés, fiers d’arborer des insignes de durs de durs pour mieux rouler des mécaniques. Mais pour montrer aussi qu’il fait profiter de l’instant présent en vivant à fond. « Carpe Diem », semble dire le calavera peint à l’aérographe sur le réservoir d’un chopper.

Un symbole fort partagé avec des sociétés secrètes

Très en vogue chez les harleyistes, le thème du crâne et des os traduit un ancrage profond dans la mythologie américaine. Ce n’est pas une coïncidence si le crâne sans mandibules surmontant des os croisés est aussi l’emblème d’une fameuse société secrète, le Skull and bones de l’université de Yale, qui compte nombre d’hommes politiques et d’affaires parmi ses membres.

C’est aussi un symbole de la Franc-Maçonnerie, organisée aux USA en chapters. Comme les gangs de bikers et les H.O.G. ! Les chapitres sont donc une forme d’organisation directement calquée sur le modèle des sociétés secrètes.

Les harleyistes revendiquent ainsi leur appartenance à un groupe fermé, leur fort esprit de fraternité, leur engagement total, sans compromis. Pour les bikers des gangs hors-la-loi, cela équivalait à l’entrée dans une secte – une secte sans gourou mais avec une Déesse mécanique : la Harley. Ils devaient passer et réussir des épreuves d’initiation lors desquelles ils défiaient la mort, justement.

Ce symbole extrême est devenu le logo officieux de la Marque H-D

Le bad skull, popularisé aussi par le heavy metal qui glorifie la Harley en en imitant le son et en la faisant chevaucher par des créatures terrifiantes surgies de l’Enfer, s’est tout naturellement retrouvé dans les armoiries de pas mal de clubs de bikers et de H.O.G.. C’est peu de dire que l’image moderne de la Harley lui est associée. Et chez H-D, où l’on est toujours en prise directe avec les goûts et les modes de vie de ses clients, cette association a vite été intégrée.

On a coutume d’attribuer l’invention du Bad skull Harley, crâne hyper stylisé sans mandibules, à Willy G. Davidson, petit fils de l’un des Pères fondateurs, styliste de génie qui dessina la ligne du fameux modèle Cross Bones ( tiens, tiens !). Cette version moderne du bobber porte sur le filtre à huile le logo personnel de son concepteur : un crâne sur tibias croisés sur lequel il a apposé sa signature.

H-D Crossbones avec le skull Willy G. Davidson

Le Willy G. skull, version édulcorée du bad skull

Il semble y avoir un mystère du logo du Crâne sans mandibule. Ce crâne stylisé, que l’on retrouve sur le keychain dark custom présenté dans la Boutique HD35, est-ce vraiment Willy G. Davidson qui l’a inventé, ou bien date-t-il, comme certains fans l’affirment, de ? années 30 ?

De son côté, la Marque s’est bien gardée de lever l’ambiguïté de la paternité du bad skull, car, c’est bien connu, une part de mystère bien entretenue, il n’y a rien de tel pour assurer la pérennité du mythe… Et chez H-D, ça aussi, on sait faire !

Toujours est-il que le Willy G. skull, qui par sa stylisation extrême rompt avec la traditionnelle tête de mort Old School des bad bikers, est devenu une image de référence, une marque de fabrique. Quand on le voit, on pense aussitôt H-D ! Avec son air faussement méchant, ce symbole fort se décline désormais en une foison d’objets dont le surnombre gomme la dimension tragique.

The Ghost Rider, biker de l’Enfer, et son crâne en flammes

Ghost Rider movie’s bike Katy DeCobray

L’art pictural, qui affectionne la thématique du skull, s’en donne à cœur joie sur les choppers. Certains artistes du custom se sont spécialisés dans les sujets tribaux macabres, très appréciés des bikers. Le crâne tribal avec sa traîne de flammes est la signature du Harley designer californien Ron Simms.

Des artistes designers se sont inspirés du personnage du Ghost Rider, impressionnante créature Marvel, personnage maudit qui la nuit se transforme en squelette enflammé chevauchant une Harley customisée gothique pour lutter contre la violence urbaine. Ils ont créé le fameux Ghost Rider Chopper, machine uniquement faite de chromes imitant des ossements, avec un crâne à la place du phare, engin fabuleux chevauché par la star Nicolas Cage dans le film éponyme. Lego en a même fait un jouet !

Pour lancer ses Dark Custom, H-D choisit un crâne comme logo !

Et la Marque, toujours opportuniste, pour lancer une gamme de motos personnalisées selon les goûts des clients, a choisi un logo avec… un skull !
Ainsi est né, sous le crayon de Levi Ramirez, le logo Dark Custom, avec au sommet du célèbre 1 Harley un crâne à la bouche démesurément ouverte façon Scream.

H-D Dark custom logo Workshop event decor

Lancée en partie par les bikers, grands amateurs de tatouages gothiques, la mode galopante du tatouage contribue à répandre cette iconographie morbide ou infernale. Si l’on se fait graver un crâne dans la peau, c’est pour montrer qu’on a accepté sa condition de mortel, et que face à ce tabou on est prêt à affronter le danger et à risquer la mort.

Pour H-D, le skull, c’est déjà du passé

Symbole de la banalisation et de la récupération du skull, le masque-bandeau calavera pour bikers ne fait plus peur à personne. Victime de son succès, il a perdu sa force d’évocation.

Le crâne Harley est actuellement sur le déclin. La Marque, qui entre dans une nouvelle ère, a abandonné le logo One Harley skull des Dark custom. Tout passe, tout lasse… Le skull a beaucoup perdu de sa signification morbide en devenant un élément décoratif au même titre que les sugar skull, ces calaveras colorés en sucre que les Mexicains mangent lors du Dia de los Muertos et qui ont inspiré beaucoup de créateurs californiens de choppers. Finalement, il est devenu un symbole de liberté, d’indépendance, de détachement, autrement dit un emblème comme les autres. Et ce n’est sans doute pas plus mal.

3 Commentaires

  1. « Memento Mori! » disaient les Romains, en célébrant le retour des soldats dans l’arène… Un crâne leur était montré pour illustrer ce rappel, que malgré la victoire, ils restaient mortels…
    Je préfère cette signification du crâne, certes moins provocatrice, mais dont la philosophie me correspond mieux: en me disant que cette vie est courte, je veux en profiter, être libre. Cette Liberté qui est un autre symbole de la marque HARLEY DAVIDSON, à travers les voyages, les grands espaces, les cheveux au vent, le plaisir de voir les autres se retourner sur le bruit ou la beauté de nos engins personnalisés, la fierté de l’appartenance à ces symboles à travers la marque en la portant sur ses fringues ou sur sa peau, le plaisir de profiter de son engin même en enfraignant certaines Lois sans pour autant se prendre pour des bandits de grand chemin…
    Alors oui, j’ai un crâne sur le doigt, et d’autres, discrets, sur ma moto, et même s’il est plus facile aujourd’hui de le porter sans être jugé, même si la mode s’en est emparé, même si demain il sera « ringard », la philosophie du « Memento Mori » date de l’Antiquité, et n’est donc pas prêt de disparaître…

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