Harley et rock, une décibel histoire d’amour

La Harley-Davidson est LA moto du rock. Par ses formes rondes, par les lignes fluides de ses choppers et la beauté rutilante de ses chromes, par le bruit si particulier de son moteur, mais aussi par ce goût pour l’évasion et les grands espaces qu’elle incarne, cette moto est une machine musicale. Cela n’a pas échappé aux musiciens et compositeurs de tous poils – et surtout barbus !

Nous, quand on chevauche une Harley, ce sont les premières mesures de Born to be wild du groupe Steppenwolf ou de Highway to Hell des AC/DC qui nous viennent en tête. Pour la plupart des gars de notre génération fans de rock, c’est la même sensation : Harley-Davidson rime avec gros son.

La Harley accompagne la naissance du rock-n-roll

Juste après la 2e guerre mondiale, entre le rock-n-roll naissant et la Harley-Davidson auréolée de gloire sous sa version WLA Liberator, ce fut le coup de foudre.

C’est pourtant sur une autre moto qu’un acteur-culte donna naissance, en 1953, à la  rock-n-roll attitude. Perfecto, casquette de cuir et moue désabusée, Marlon Brando posait en chef de bande de bikers sur un Triumph Thunderbird dans le film L’équipée sauvage. Mais c’est sur une Harley Knuckerhead  transformée en bobber que Chino, le méchant du film, sème la terreur. Ces images de motos liées à la violence marqueront toute une génération, pour laquelle la Harley deviendra un symbole sulfureux de contre-culture, au même titre que cette « musique de sauvages » qu’est le rock’n roll.


L’image de Brando dans son perfecto devint iconique pour toute une génération. Elle fut récupérée quelques années plus tard par le très jeune Elvis Presley, qui prit la même pose que son idole, mais sur sa Harley-Davidson KH 1956, alors qu’il venait d’enregistrer Heartbreak Hotel. Popularisé par des aviateurs vétérans de la guerre reconvertis en motards, le cuir du biker (qui existe encore), devenait grâce au King l’accessoire emblématique des fans de rock-n-roll. Cette musique de rebelles adoptait le look des bikers qui terrorisaient le bourgeois, et la Harley devint leur monture fétiche.

Elle a le rythme dans la peau… question de moteur !

La belle à pistons offrait à une jeunesse rebelle la vitesse, la liberté, l’évasion, les grands espaces… et le son  très identifiable de son mythique moteur VTwin comme support rythmique.

Le « Po-ta-to » est le terme familier employé par les bikers pour désigner le rythme syncopé, rapide, si caractéristique de leur machine. Cette pétarade bien rythmée et grave comme une ligne de basse sur-saturée offre une base rythmique idéale pour les rockers.

Elle rompt la monotonie des voyages sur les interminables lignes droites des Highways du désert californien.

On n’écoute pas le bruit, mais la musique de son moteur

Comme le battement du train sur les rails fut à l’origine du style boogie-woogie dans le blues, le « potatoe » est à la base d’un sous-genre du rock : le Harley-Davidson Sound. C’est si vrai que le son même du moteur Harley sert d’introduction à une pléthore de morceaux. Son tempo est repris par une section rythmique bien binaire et musclée.

Cette réputation de musicalité du moteur H-D ne tarda pas à franchir l’Atlantique.

B.B. et H-D, des initiales mythiques pour un  mariage d’enfer

Serge Gainsbourg, compositeur génial qui a toujours été à l’affût de sons nouveaux, a lui-même été inspiré par le potatoe sound pour composer sa célèbre chanson interprétée par l’égérie de la Femme libérée des années 60, Brigitte Bardot. Il l’a placé au début et à la fin de sa chanson, comme un écrin pour cet hymne à la mythique monture mécanique de l’Amazone moderne. Ainsi B.B. chantait en 1968 l’effet que produisaient dans son corps de rêve les trépidations de son « terrible engin », une belle Harley noire customisée au très long double pot d’échappement dressé à la verticale  – tout un symbole – vers le ciel. Erotique en diable !

Née pour être sauvage, elle trouve sa bande-son idéale

Retour aux States, un an après. C’est en 1969, dans sa version chopper, que la Harley entre dans la légende du rock. C’est elle,  plus que les deux héros  hippies bikers, qui est le personnage central du film Easy Rider, road movie pacifiste au parfum sulfureux et anti-establishment. Elle est la Muse qui inspire les deux chefs d’œuvre que sont Pusher, et bien sûr l’icônique Born to be wild des Steppenwolf, devenu l’hymne des bikers du monde entier.
La bande-son de ce film-culte réunit le gratin du rock de l’époque : Steppenwolf, les Byrds, Jimi Hendrix, The Grateful Dead, et Roger Mc Guinn qui composa la poignante Ballad of Easy Rider qui clôt le film. Excusez du peu ! Elle fut à l’origine d’un véritable engouement des groupes de rock pour cet engin qui symbolisait l’individualisme stylé, le désir d’évasion, le voyage. Dans un genre plus psychédélique, le somptueux « Riders on the storm » des Doors, avec le son d’un orage qui débute et traverse le morceau, et une ligne de basse hypnotique pour porter la voix ténébreuse de Jim Morrison, devient  l’un des morceaux préférés des bikers. Car il donne une dimension quasi métaphysique à ces cavaliers de la route qui traversent la tempête (utile).

Le H-D sound, c’est quoi au juste ?

Dans le sillage de ces illustres pionniers, plusieurs groupes de heavy metal rendent hommage à la H-D en la faisant intervenir comme un instrument de musique dans leurs compositions. Le groupe ZZTop a même signé un contrat avec H-D pour promouvoir le Harley-Davidson sound, sous l’appellation Two american legends. C’est limite côté modestie, mais leur musique est un heureux mélange de folklore country et de heavy metal.

Cela dit, nos barbus gratteux et bikers n’ont pas le monopole du H-D sound, bien heureusement. L’une des grandes sources d’inspiration d’un groupe tel qu’AC/DC est la ligne de basse que produit un pot d’échappement Harley. C’est ainsi qu’Highway to Hell est tout naturellement devenu l’une des chansons du Top 5 des fans de Harley.

La motor music, entre shows horrifiques et balades country

La créativité dont font montre les grosses cylindrées du heavy metal ou du death metal qui se revendiquent du Harley Bikers Spirit ne se dément pas. Tout récemment, une autre bande-son, celle d’une série inspirée par les bandes de motards, a marqué les esprits. Avec ses riffs lents répétitifs sur basses saturées, et la grosse voix rocailleuse de Lemmy Kilmister, le Broterhood of Man de Motörhead incarne à merveille l’état d’esprit Outlaw et Bad Skull des durs de durs de la route. Car sur le plan social, le gros son du hard rock et du heavy metal rock a imposé le mode de vie Harley comme un phénomène culturel.

Des groupes de heavy metal comme entre autres  Iron Maiden, Judas Priest avec son somptueux Hellrider, ou Saxon avec son Wheels of steel, ont poussé le gros son à ses limites. Jusqu’à l’outrance, parfois, et au mauvais goût, souvent. Tous n’ont pas le talent du AC/DC de Wheels… Certains font même pétarader et parader un chopper du feu de Dieu sur scène, mais leur musique ne restera pas dans les annales du rock.

La nouvelle génération des fans de Harley s’affranchit du gros son bad guy

Le groupe de Vancouver Skard rock Band, avec ses hachages de grattes et son tchak-poum bien lourd, est l’archétype de ces bikers Harley bands à l’imagerie très macho flirtant avec une symbolique guerrier Teuton assez douteuse. Mais leur musique, si elle n’a rien d’original, tient néanmoins la route. Son regretté leader-chanteur, Ady Golic, parti l’an dernier, était aussi réputé pour son fameux street racer bleu avec boîtier de guitare intégré dans son habillage que pour ses talents de musicien.

Il n’empêche. Lasse de cette image réductrice de machine pour fans de gros décibels, de white Hogs bardés de crânes casqués qui hurlent « Hoy ! » aux concerts du Rock’n Roll Harley-Davidson de Cleveland, la marque met en avant sa gamme de sportsters urbains plus légers destinés à une jeunesse davantage branchée sur le pop-rock créatif, genre Muse, Arctic Monkeys ou Shaka Ponk.

Pour échapper aux clichés réducteurs, la marque met les gaz

Car il ne faut pas croire que les goûts musicaux des bikers se limitent au heavy metal rock, au death metal qui use et abuse de l’imagerie zombie des bads skulls, ou à la country musclée. Ce serait bien réducteur ! Le biker des temps modernes affranchi de l’image du marginal violent nourri à la bière et au rock graisseux est désormais davantage tourné vers l’ethnique, le retour à l’authenticité. Il n’est plus un contestataire.

En tout cas, ce qui est certain, c’est que la musique, et la meilleure, est inscrite dans l’ADN de la Harley-Davidson, qui est comme qui dirait le Stradivarius du macadam. Elle est à la foi l’inspiratrice et la créatrice, avec son moteur musical, d’un rock qui peut être lourd ou bien sophistiqué, c’est selon.
A chacun sa Harley, à chacun sa musique !

1 Commentaires

  1. Je crois que tout le monde est d’accord sur le fait qu’avec Born to be wild dans les oreilles et le guidon dans les mains on est tous directement transportés sur la route 66 🙂

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